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Dans ma bibliothek
19 mai 2012

"Avant les hommes" de Nina Bouraoui

Ma mère dit que l'amour n'existe pas, que tout est érosion de tout, que les corps s'usent à force de se fréquenter. Elle a quitté mon père quand je suis né. Elle dit que, dans l'amour, il y a cette idée de s'occuper de l'autre. Elle, elle ne voulait pas s'occuper de mon père, ou alors elle voulait juste s'occuper de son corps de temps en temps, mais pas de lui au quotidien ; elle dit aussi que l'on est sûr que d'une seule chose : le sexe ; qu'il n'y a que cela qui existe, depuis toujours, que le monde est un sexe géant : des gens en vivent, et d'autres en meurent.

[...]

            Un jour mon père a dit que ma mère l'avait quitté parce qu'elle n'aimait pas assez la vie, qu'il y avait ce malheur au fond de ses yeux qu'elle ne pouvait plus supporter, ça faisait écho à son propre malheur, elle disait que ce n'était pas bon pour elle, pour son esprit, qu'il lui fallait quelqu'un de fort à ses côtés pour ressouder les failles. Je ne sais pas si l'amour c'est la fin du vide, la fin de la solitude, la fin du vertige. Je ne sais pas si l'on peut exister sans ressentir de l'effroi, et je ne sais pas, de toute façon, si l'amour existe vraiment, si ce n'est pas juste une invention des gens pour avoir moins peur de la vie.

9782070355990FSA travers les pensées d'un jeune garçon, Nina Bouraoui nous parle d'amour. Pas le simple amour entre un homme et une femme. Non, l'histoire d'un jeune homme en proie à de multiples formes d'amour, ravageuses et étouffantes. Il y a d'abord l'amour de son père absent et faible parce qu'il est tout simplement son père, et qu'il l'aime comme il est. Celui de Ralph, son dealer, amour platonique et sensible, parce qu'il est celui qui lui vend du shit parfois. Il y a l'amour d'Alex, l'amant de sa mère, l'amour physique et bestial, parce qu'il est beau et qu'il n'appartient qu'à sa mère. Il y a aussi l'amour de Sami, son amant secret et imaginaire, son fantasme de tous les jours, son amour des autres jours, ceux qui n'existent pas dans ce monde. Et puis, enfin, il y a l'amour de sa mère, son amie comme son ennemie, sa chaleur maternelle étouffante, son incompréhension, ses actes insensés et ses déboires de célibataire. Il y a dans cet amour, de la haine et de la compassion. Il y a cette fuite désespérée du foyer, inaccessible tout comme l'est Sami.

Nina Bouraoui joue avec les mots, les mélangent, en façonnent une poésie nouvelle. Elle crée de nouvelles expressions, de nouvelles façons de parler de l'amour. Qu'il soit, filial, amical ou amoureux. Qu'il soit, déchirant, envoûtant ou rêvé. Elle réassocie avec malice et douceur les sentiments dont on a du mal à parler. Le plaisir de lire ce livre vient de cette faculté de l'auteur à enchaîner les sentiments à la réflexion, à créer un lien indestructible qui pousse le lecteur à finir le livre avec la hâte de celui qui aime. Intensément.

C.

Ma note : 75735542_p

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